Aux printemps verts et vrais

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Only you

L’herbe fraîche coupée des quais abandonnés 
Témoigne des travaux de nos municipaux 
Les drapeaux sont hissés, mais les drapeaux, ici
Ce sont eux, les passeurs des printemps verts et vrais

Ce sont eux qui viendront, cheminots volontaires
Éboueurs et routiers, et caissiers, et caissières 
Ce sont eux qui viendront, infirmiers, infirmières
Médecins retraités, soignants, aide-soignants

Ce sont eux qui viendront, employés au ménage
Livreurs, agriculteurs, ouvriers, professeurs  
Ce sont eux qui viendront, les printemps verts et vrais
Se passeront bientôt des drapeaux maquillés 

Où sont dans la cité les amants séparés ?
Des trams à ciel ouvert circulent, transparents
On voit à travers eux les printemps verts et vrais
Préparer l’incendie des couples reliés 

On y voit dans un tram comme à travers nos drames
Soleils intermittents des printemps verts et vrais 
On y voit dans un tram comme jamais, avant
Oh il faudra monter dans l’avenir, après 

Il faudra remonter les quais abandonnés 
Comme on remonte un jouet, et prendre le prochain
Tramway, et se pencher, et souvent s’embrasser
Et cueillir les soleils des printemps verts et vrais

Il faudra recueillir notre terre immobile
Rassurer les oiseaux de nous voir débarquer 
Passants déconfinés, ferons-nous attention 
Aux rues qu’on a prêtées aux petits animaux ?

Nous serons, à nouveau, trois milliards à tourner
Notre monde à l’arrêt sera-t-il secoué ?
Nous faudra-t-il aussi rassurer les étoiles ?
Chuchoter aux forêts qu’il ne faut pas trembler ?

Notre planète tourne, et nous ne tournons plus 
Les cieux deviennent bleus, les quais un peu plus verts
Notre planète tourne, et nous ne tournons plus 
Sauf à danser, peut-être, un soir à la fenêtre

Notre planète tourne, et nous la regardons
Danser à la fenêtre, et puis, nous découvrons 
Qu’applaudir chaque soir nos héros aux balcons
C’est aussi voir Vénus, pour la première fois

Serons-nous, à nouveau, les tout derniers venus ?
Les tout premiers venus de la planète Terre ?
Serons-nous assez forts pour nous sentir tout nus ?
Et assez courageux pour trembler à sa vue ?

Notre planète tourne, et nous, tournerons-nous
Autrement nos regards, autrement, nos pouvoirs 
Autrement, notre cœur, nos yeux, tournerons-nous
Vers la révolution des printemps verts et vrais ?


Paul Roussy est aujourd’hui professeur de lettres à l’université Bordeaux Montaigne. Il a notamment étudié la littérature de la seconde guerre mondiale et de la Libération. Il vient également de participer à un ouvrage collectif sur Joseph Wresinski, paru aux Éditions jésuites, intitulé « À l’école du plus pauvre ». C’est son premier poème publié.