L’immense travail s’accomplit dans les profondeurs d’un peuple submergé de douleurs et de dégoûts et qui se tourne vers les sources pures de l’âme et de l’esprit, comme un prisonnier dans sa geôle vers la lumière de la lucarne.
Charles De Gaulle, « Clairvoyance de la pensée française », discours à l’Alliance française, Alger, 31 octobre 1943
Honte à ce président vautour de la Mémoire
Piquant tête baissée sur les champs de l’Histoire
Défigurant l’effet d’une Étrange Défaite
Pour saisir l’occasion d’une sombre victoire
On avait déjà vu un autre figurant
Se moquer de Môquet, glisser sur les Glières
Le Résistant Hessel tout à fait indigné
Avait réoccupé le site légendaire
C’était un Dix-Sept Mai, voyez-vous, Montcornet
Était alors âgée de soixante-neuf ans
Stéphane Hessel plaida pour que l’Indignation
Jamais ne s’arrêtât sur aucune défaite
Mais voici qu’aujourd’hui un petit président
Complètement défait de sa propre défaite
Ose mobiliser le courage d’un homme
Qui, devant son État, se trouva seul au monde
À refuser l’Outrage et la Résignation
Qui, du seize au dix-sept juin, dans la nuit même
Décida, de Bordeaux, de se baser à Londres
Pour avoir entendu, c’était un Dix-Sept Mai
Résonner le Refus, le Non-Vouloir, le Non
Et pour s’être indigné des vastes démissions
De l’impréparation d’un État décadent
Désormais disposé à se vendre à tous vents
Or, c’est le même vent maintenant décadent
Prêt à tout maquiller, prêt à tout renier
Qui vient noircir le blanc de ce fier monument
Fort d’avoir résisté au feu du déshonneur
Oui, c’est le même vent maintenant décadent
Qui ose le rappel de la Libération
Honte, quatre-vingt fois ! honte à ce président
Capable de signer son propre déshonneur
Honte, quatre-vingt fois ! honte à ce président
Devant les officiers, devant les cours d’honneur
Devant les monuments aux morts, devant l’Histoire
Honte, quatre-vingt fois ! honte à ce déserteur
Aujourd’hui, nous savons, l’année deux-mille vingt
Sonne quatre-vingt fois l’Appel ! Dix-Huit Juin !
L’Appel ! Carlus dixit ! Dix-Huit Juin ! De Gaulle !
L’Appel qui rend le vent au feu, le feu au vent
Oui, devant un tel vent, un petit président
Ne tient jamais beaucoup, surtout s’il tient lui-même
Lui seul, au premier rang, à persister debout
Exposée au grand vent, une girouette meurt
Une pâle girouette a beau recalculer
Le noir calendrier de ses valses cruelles
Elle expire, fluette, aux fêtes de l’Appel
Tel un vaste fantôme échappant à ses comptes
Il semblera présent, peut-être omniprésent
Mais vraiment, de nous tous, sera le plus absent
Oui, le fait, voyez-vous, de manquer à l’Appel
Provoque des trous noirs dans l’Histoire Éternelle
On le verra jouer, on l’entendra parler
Peut-être réfuter des poèmes, des lettres
Mais le vent, le grand vent couvrira le concert
Carlus Magnus sépare et rejette les traîtres
Et si jamais il vient à monter les degrés
De ce mont Valérien où tant ont expiré
Il aura beau monter, on le verra descendre
Au comble de la honte, au ciel du déshonneur
Paul Roussy
le 17 mai 2020